Mimi Ferment
Si vous avez toujours voulu connaître les secrets pour faire de la...
Nous nous sommes rendus à l’évènement international Chef Days 2018 qui avait lieu à Berlin. Parmi les 25 chefs sélectionnées, 14 étaient allemands et 10 venaient d’Europe. Un seul chef est originaire d’Asie et plus particulièrement de Taïwan : André Chiang, que nous avons eu le privilège de rencontrer puisqu’il donne très peu d’interviews. Chef doublement étoilé, il vécut une partie de sa vie à Singapour et en France où il fut formé. André Chiang nous a parlé de sa vision de la gastronomie, de ses ambitions culinaires et pourquoi il a renoncé aux étoiles du célèbre guide rouge, trop contraignant;
André Chiang poursuit son rêve de perfection à chaque instant dans sa cuisine. Même si son restaurant RAW de Taipei a été couronné 2ème meilleur restaurant d’Asie depuis son ouverture en 2014, André garde la tête sur les épaules et la volonté de toujours faire mieux. Son menu et sa philosophie dite “octaphilosophy” se concentrent autour de 8 éléments : La salaison, la texture, la mémoire, la pureté, le terroir, le sud, l’artisanat et l’authenticité.
Les menus du soir et du midi sont différents et il faut attendre des mois pour espérer avoir une table.
André Chiang a commencé sa carrière à l’âge de 13 ans et avait un rêve: venir se former en France où il resta pendant de nombreuses années. Il célèbre son trentième anniversaire en cuisine cette année et a décidé de fermer son adresse parisienne et de ne plus apparaître dans le guide michelin. Il a aussi décidé de revenir s’installer dans sa ville natale pour se concentrer sur son restaurant RAW. Bien qu’il y consacre la plupart de son temps, Chiang est aussi le co-fondateur de 4 autres restaurants entre Singapour, Paris et la Chine.
D’ébène et d’ivoire : mais que définit vraiment le goût de Taïwan?
Dans son restaurant, André Chiang travaille en binôme avec le chef Alain Huang. A eux deux ils assurent la notoriété et le succès de ce restaurant taïwanais qui compte bien redéfinir la cuisine asiatique à l’échelle mondiale. Les deux chefs travaillent en s’appuyant à “définir” ce que c’est que le vrai “goût de Taïwan” et utilise toujours la même base d’ingrédients et de saveurs : l’umami, le poulet noir et le tofu blanc.
L’Umami
L’umami est souvent définit comme le 7ème goût et se situe plutôt dans les saveurs salés. Découvert en 1908 par le scientifique japonais Kikunae Ikeda, l’umami est une quête culinaire absolue en Asie et représente bien toute la délicatesse de sa cuisine.
Chez Raw, on cuisine uniquement avec des ingrédients locaux : frais, riches en goût et en saveur. Chiang et Huang on crée le ketchup au goût Umami qui est une sauce noire très délicate faite à partir de shiitake, d’anchois, de jambon séché, de calamar et d’haricots noirs. Cuits dans une potée pendant de longues heures afin de réduire, cette sauce fait parler d’elle dans tout le pays tant elle délicieuse, crémeuse et moderne. Et nos deux chefs comptent bien inscrire ce ketchup d’un nouveau genre dans la tradition locale.
Le poulet noir
Le poulet noir est une race de gallinacé que l’on trouve beaucoup en Chine et que l’on baptise poule-soie. Poule domestique et comestible sa chair est complètement noire et plumage blanc. Sa chair se distingue par sa couleur mais surtout par son goût rare et succulent.
Servi avec le ketchup star, ce poulet bat tous les records et les gens viennent du monde entier pour le goûter. Les chinois croient d’ailleurs à des pouvoirs ancestraux et manger de ce poulet noir apporterait des pouvoirs médicinaux extraordinaires.
André Chiang nous a d’ailleurs confié qu’il était un peu réticent à l’utilisation d’une chaire noire au début. Il a donc fait des essais de son plat umami avec une quantité de race de poulets qui n’ont jamais pu égaler le goût de la chaire noir élastique, tendre et parfumée.
Du Tofu aux truffes
Le tofu fait vraiment parti de l’alimentation journalière des taïwanais. Dans le quartier natale de Chiang, les chefs vont au marché pour acheter ce tofu frais réputé pour être mou et gélatineux comme il faut. Véritable “fromage de lait de soja” on l’obtient par le caillage du lait. Les familles taïwanaises font également fermenter le tofu et le servent mariné en toute occasion.
“Le tofu à Taïwan c’est comme le fromage en Europe. Ils sont tous les deux fait à partir de protéines de lait et sont un concentré d’enzymes et de minéraux” nous rapporte Chiang qui lui a décidé de la faire parfumé aux truffes pour ravir les palais gourmets de sa clientèle.
Être créatif en cuisine en alliant pleins de cultures ensemble est une idée qui plaît beaucoup à André Chiang. C’est comme ca qu’il est venu à l’idée de rajouter des truffes d’automne dans son tofu qu’il fait lui même dans son restaurant et qu’il sert juste tiède. Un délice.
La philosophie du zero dechet Philosophy of Minimize the Food Waste
Nous sommes très impressionnés par la solidité et le charisme du chef André Chiang. Sa philosophie se ressent dans ses propos et son parcours est à l’image de ce qu’il souhaite transmettre dans sa cuisine. Chez RAW on récupère tout ! Toutes les recettes qui sont faites à partir de certains restes des autres préparations. Tous les ingrédients sont utilisés dans leur intégralité. Raw souhaite ainsi montrer l’exemple à l’échelle nationale.
“Les gens pensent souvent que dîner dans des endroits de haute gastronomie équivaut à un degré de gâchis alimentaire très élevé puisque les assiettes sont souvent pas très garnies. Les gens ont tendance à jeter beaucoup car ils ne connaissent pas tous les usages des aliments et surtout des parties comme la peau ou les graines. André Chiang dévoué sa carrière au combat des déchets et milite en faveur du recyclage maximum”
Propos recueillis par Mokki Hsiao